Observatoire de l’enduro 2009
Début 2009, suite à nos différentes rencontres avec les gestionnaires de zones nature, un des arguments clés avancés par les décideurs pour limiter l’accès aux sentiers par les vététistes concernait l’impact sur le terrain provoqué lors du passage répété des vélos, et plus particulièrement au cours des événements organisés, qu’ils soient chronométrés ou non.
En pareil cas, l’honnêteté intellectuelle s’appuie de préférence sur des études indépendantes et chiffrées sur le terrain, chose qui n’existe pas encore en France à notre connaissance.Les Américains de l’IMBA ont quant à eux de nombreux rapports chiffrés et détaillés dont ils se servent activement dès qu’une interdiction abusive se profile à l’horizon.
De notre côté, et sans aller jusqu’à la rigueur scientifique d’une étude en bonne et due forme qui exige du temps et surtout des ressources, nous nous sommes dit qu’un observatoire ouvert sur la deuxième édition du circuit du 1001 Enduro Tour et de la Bigreen pouvait constituer un excellent creuset d’informations :
- En donnant de la visibilité sur l’organisation des événements VTT et le respect des sentiers,
- En observant le suivi des chartes adoptées,
- En élaborant un règlement pour les éditions futures.
Pour cela, nous avons mis en place et expérimenté cette année plusieurs initiatives :
- Élaboration concertée d’un questionnaire, avec étude sur le terrain si possible,
- Centralisation des remarques et critiques (positives ou négatives) après l’événement en provenance des compétiteurs ou des pratiquants qui roulent sur les traces du parcours (forum),
- Échanges d’expérience entre les organisateurs : Centraliser, héberger, partager toutes les initiatives entreprises, principes de choix des sentiers, du fournisseur de balisage, type de travaux entrepris, etc.
- Évaluation globale de l’événement : donner de la visibilité sur l’extérieur, à travers le résumé de tous les points précédents.
Les 10 organisateurs de la Bigreen et des rallyes VTT du 1001 Enduro Tour ont tous bien voulu jouer le jeu, qu’ils en soient remerciés ici !
Résultats
Clubs et organisateurs, nombre de participants
- UCC Avalanche Company (Bigreen) : 1200 participants
- AMSL VTT Levens (Rallye d’Hiver de Levens) : 300 participants
- Colomars Olympic Club Cyclisme (8ème Ronde du Taissoun) : 136 participants
- ABADIE VTT (Roch Abadie Freeride) : 272 participants
- VTT MERCANTOUR et Bar s/Loup (Enduro de Gourdon Bar sur Loup) : 217 participants
- VTT MERCANTOUR et la station de Roubion (Enduro de Roubion) : 220 participants
- C.S. Portes du Mercantour (Enduro des Portes du Mercantour) : 300 participants
- FRCVTT (Calades de Napoléon) : 137 participants
- Vélo Club Vésubien (Le Trèfle Vésubien) : 192 participants
- Théoule VTT (Razorbike Trophy) : 270 participants
Parcours
La moitié des organisateurs réutilisent plus de la moitié des tracés de l’année passée, mais sauf dans les cas proches du littoral où certains sentiers sont utilisés presque toute l’année, ceux-ci estiment que le terrain a pu partiellement ou complètement se « reposer ».
Est-ce que le ravinement ou les passages dégradés ont été pris en compte ?
La moitié des organisateurs affirme prendre en compte l’état initial du terrain pour utiliser ou non un tracé, tandis que 60% d’entre eux tiennent effectivement compte de la nature du terrain ou du pourcentage de pente dans leurs tracés, pour éviter ou limiter les effets du ravinement.
A noter que tous interviennent systématiquement sur des portions de sentiers pour des aménagements, des réfections, ou de l’entretien.
A l’exception du rallye du Mercantour où le parcours de certaines spéciales est diffusé plusieurs mois à l’avance, tous les organisateurs ont tenu cette année à diffuser au dernier moment leurs tracés (généralement la veille ou le jour même).
Le club des portes du Mercantour justifie son choix à travers le fait que les travaux entrepris sur ces mêmes sentiers sont très importants et que par ailleurs l’éloignement géographique de ce terrain, associé aux conditions impraticables en hiver (neige) limite naturellement la fréquentation et donc la dégradation.
Balisage
Le principe des parcours secrets ou dévoilés tardivement va de pair avec un balisage tardif.
4 organisateurs sur 10 mentionnent les coordonnées du club ou de l’organisateur sur leurs balises.
Le type de balisage est invariablement temporaire, à base de signalisation cartonnée, facile à agrafer et à retirer, fournis par l’UCC, de rubalise plastique, parfois de filets de chantier, et autant que possible d’éléments naturels disponibles sur place (branches, troncs, rochers…)
Sensibilisation et comportement des participants
L’ensemble des organisateurs se base sur le règlement du 1001 Enduro Tour et éventuellement celui propre à l’événement pour sensibiliser les participants sur les aspects de la charte eco-sentiers.
Aucun d’entre eux ne leur impose de « s’engager » par écrit ou lors de leur inscription à respecter la charte.
Si pour certains organisateurs des pénalités sont prévues pour les « coupes » avérées, aucune pénalité n’a été effectivement imposée. En fait, personne n’ose encore créer de précédent en la matière, et risquer le premier de créer un « malaise » au sein de la communauté des clubs et vététistes enduristes.
Un autre aspect est la responsabilité donnée aux commissaires bénévoles, sans parler de la difficulté à identifier les infractions.
D’autres comptent sur un « auto » contrôle par les participants eux-même.
Le règlement est rappelé dans la moitié des cas auprès des participants durant le briefing.
Une remarque du Club Vésubien : « Des photographes amateurs ont mis en ligne sur le forum 1001 sentiers des photos ou l’on pouvait voir certains coureurs (et non des moindres) couper des virages, ce qui a engendré de nombreuses polémiques ».
Sinon, et en dehors du club de St Vallier qui a constaté plusieurs « raccourcis » empruntés à cause selon lui des départs à 3, aucun organisateur n’a relevé de comportement anti-sportif ni de déchets abandonnés.
Après la course
L’ensemble des organisateurs débalise le parcours immédiatement après l’épreuve ou dans la semaine qui suit.
Tous effectuent également un contrôle de l’état du parcours par la suite et prévoient dans certains cas des opérations de réhabilitation des parties dégradées.
Les moyens employés sont invariablement les bénévoles du club avec des outils manuels (pelles, pioches…). Deux organisateurs sont en relation avec l’ONF et effectuent certaines réhabilitations en collaboration avec ses représentants.
Commentaires et observations des organisateurs
Cette partie n’est pas toujours la plus facile à rédiger pour l’organisateur, voici donc quelques-unes des réactions délivrées en fin de questionnaire :
Bigreen
« L’esprit loisir et découverte de cet événement le rend très particulier car il permet l’accueil de participants qui ne sont pas habitués à la pratique du VTT sur sentiers. La Bigreen est donc un vecteur d’information majeur pour tous ceux qui en découvrant les parcours iront ensuite vers la pratique du VTT.
Le nouveau type balisage utilisé cette année est très intéressant. Il est plus visible (nécessite moins d’agrafage), cartonné (donc dégradable), et identifie l’organisateur pour que quiconque puisse remonter des informations sur l’événement.
Pas de déchets constatés lors du passage, ni concernant de l’alimentation (sachet, emballage,…) ni pour du matériel (chambre à air par exemple). Pas de rappel explicite, lors des annonces, sur ces aspects mais en tant que randonnée avec plusieurs points de ravitaillements, c’est un problème moins fréquent.
De nombreuses coupes ont été fermées, en utilisant des matériaux sur place, pour éviter les sorties de parcours pour des raisons d’orientation ou évitement de zones dégradées/ables.
Le parcours a été détrempé par de fortes averses la semaine précédente, la majorité du parcours est connue (déjà empruntées par des éditions précédentes) tout comme la réaction du terrain.
Une partie entièrement nouvelle a été empruntée entre Tanneron et Capitou. Ce parcours reprend des sentiers anciens et des aménagements particuliers pour les VTT.
Cette partie spécifique était aussi le parcours d’une course chronométrée la veille de l’événement. Afin d’apprécier la réaction du terrain, nous sommes allés sur le parcours pour l’étudier et avons pris des photos sur plusieurs sections. Nous devrons y retourner après les 1400 passages du weekend. Néanmoins lors de l’événement Bigreen, la majorité des participants a préféré rester sur piste plutôt que de s’aventurer sur des zones boueuses. »
Rallye de Levens
« Nous sommes très sensibles concernant le respect de la nature (faune et flore) mais également vis-à-vis des usagers. Tant que nous le pourrons, nous offrirons un parcours différent et donc inédit.
Depuis 3 ans, 7 spéciales et pas une en commun. Nous pouvons annoncer que nous sommes encore confiants pour 2, voire 3 éditions à venir.
Depuis 2008, les tracés sont tenus secrets. Pourquoi ?
- Pour ne pas de dégrader nos chemins par des reconnaissances intempestives et inutiles sur des spéciales de 30 minutes,
- Pour ne pas gêner les chasseurs, les randonneurs pédestres et à cheval. Nous pouvons nous approprier la montagne l’espace d’un dimanche, mais il serait mal venu de voir 50 vélos par week-end pendant les 2 mois précédant l’épreuve, comme c’est arrivé sur la première édition,
- Pour nous obliger à chercher toujours plus de chemins, dont certains sont abandonnés depuis un siècle. Nous ré-ouvrons donc de vieux sentiers pour permettre à tous d’en profiter (chevaux, piétons, chasseurs, vélo). En 3 ans, réhabilitation de 3 chemins oubliés,
- Enfin pour pouvoir faire découvrir à tous que le Vélo de Montagne (mieux que VTT) est un formidable moyen de déplacement à travers nos chemins tout aussi respectueux de la nature que les autres randonneurs, avec un plus, car nous entretenons les chemins tout au long de l’année.
A chaque édition des idées nouvelles nous viennent pour toujours plus de protection de la nature. De bonnes surprises pour l’année prochaine ! »
Rallye de Colomars
« Nous essayons de toujours proposer des tracés différents chaque année. Les parcours secret ne semble pas être utiles. Nombre de coureurs reconnaissent tous les chemins susceptibles d’être utilisés par l’enduro.
Nous recherchons et prospectons tous les anciens chemins utilisés auparavant pour avoir une « réserve » de sentiers pour le VTT.
Il nous semble judicieux de nous rapprocher des autres utilisateurs et notamment les chasseurs afin de mettre en place une charte d’utilisation dans le temps de certains sentiers, avec panneautage d’information sur les chemins menant aux sentiers. Il est très important d’y songer et de l’acter car cela pourrait nuire sur certains secteurs à la pratique de notre sport.
En ce qui concerne la protection du milieu, il serait peut être souhaitable que le club mette en place des panneaux d’information sur l’utilisation des sentiers. Certains secteurs demandent un gros travail de terrassement pour que les vététistes ne puissent pas couper les sentiers. »
Roch Abadie
« Cette année, tous les compétiteurs et accompagnateurs ont joué le jeu. Le terrain a été rendu propre, les moyens étaient là : poubelles en quantité, toilettes… Aucune coupe ni tricherie n’a été reconnue. »
Enduro de Bar sur Loup
« La météo ayant été très favorable, aucune dégradation importante n’a été constatée. Le type de terrain a supporté facilement les passages des concurrents.
Quand nous tracons des parcours, nous essayons de limiter les parties très rapides avec des freinages trop importants.
Notre vision de « l’Enduro » n’est pas celle d’une épreuve de descente. »
Rallye de Guillaumes
« Toutes ces mesures font partie d’une charte « le bon sens » qui dans tous les cas est appliquée au mieux par tous les bénévoles, et bien sûr par la grande majorité des participants. »
Conclusion
Excepté pour le rallye de Guillaumes, eco-sentiers était présent sur tous les événements pour observer l’impact et le déroulement des épreuves, et nous avons constaté une sensibilisation unanime des organisateurs sur les questions de protection et d’entretien des sentiers.
La notion de « loisir nature » et de son impact indéniable sur le terrain lors des événements de masse est clairement intégrée et prise en compte avant, pendant, et après la manifestation.
Tous les organisateurs sans exception (les bénévoles des clubs), participent activement à l’entretien ou la réhabilitation des chemins dont ils sont les utilisateurs privilégiés, parfois même en relation étroite avec l’ONF.
Pourtant il reste encore une marge de progression dans la plupart des domaines listés ci-dessous :
- Techniques d’entretien des sentiers : certains clubs gagneraient à mieux s’informer sur les techniques d’entretien ou de réhabilitation telles qu’elles ont déjà largement été éprouvées à l’IMBA ou encore dans les récents documents édités par la MBF. Une mise en oeuvre qui aiderait parfois à mieux préserver l’état des portions les plus fragiles.
- Prise de conscience des pilotes et pédagogie : il reste encore beaucoup à faire concernant les notions de respect du sentier et les comportements qui le font souffrir. Pilotes et vélos étant souvent capables de s’affranchir du tracé « naturel » pour gagner quelques dixièmes de secondes ou faciliter leurs virages, c’est à l’organisateur de faire en sorte que la qualité de son balisage naturel ou artificiel prévienne au mieux les trajectoires trop « tendues ».
- Relation avec les gestionnaires, propriétaires et les associations d’usagers : Colomars, Levens, Théoule et aussi l’UCC l’ont déjà souligné, il est primordial que l’organisateur intègre toutes les personnes concernées dans la préparation se sa manifestation. C’est probablement le plus délicat et le plus exigeant en temps (et en diplomatie), mais c’est une condition incontournable pour pérenniser son existence. Des règles d’utilisation de certains sentiers peuvent ainsi être édictées, par exemple en période de chasse, afin que leur utilisation soit équitable au cours de l’année, et génère un minimum de conflits.
- Signalisation et information : L’idée soulevée par Colomars est sans aucun doute à creuser. La mise en place d’une signalisation adaptée dans les zones sensibles permettrait d’informer clairement et systématiquement les différents usagers sur les comportements à respecter pour préserver le terrain, son accès, et son partage.
Gageons que le Comité VTT 06 récemment créé aura à coeur de prendre en compte cet observatoire et ces remarques, afin de renforcer l’image du VTT et la conscience de ses usagers.
Quant aux clubs organisateurs, on peut leur faire confiance pour poursuivre dans cette voie !
Je suis passé après qq semaines après l’enduro de Théoules 2011 les traces du parcours sont devenues d’immenses sillons pour la plupart, difficilement franchissables, de forts ravinements (grosses précipitations entre-temps) font suite aux passages des différents pilotes. Il faut sans aucun doute repenser nos pratiques.
Cordialement.
Philippe Durand.
@Durand Philippe : merci pour ton commentaire.
Le cas de l’Estérel est particulier, car la nature très friable du terrain fait que le ravinement y est déjà très fort. La meilleure preuve est que les DFCI sont refaites à neuf régulièrement, parfois tous les ans.
En ce qui concerne les sentiers « ouverts » par le club de Théoule, certains sont effectivement fragiles, et le club en a d’ailleurs déjà réhabilité plusieurs d’entre eux. D’autres mériteraient une attention plus forte, notamment sur les systèmes de revers d’eau pour retarder l’effet du ravinement.
Mais au-delà de l’impact des rallyes une fois l’an, c’est surtout le nombre de pratiquants qui viennent y rouler, et à la mauvaise saison, car le terrain s’y prête bien.
Le problème se pose aujourd’hui sur tous les sites proches du ruban côtier, et donc accessibles en très peu de temps.
Mais j’ai connu l’Estérel avant la mode des rallyes VTT, et certains sentiers « piétonniers » étaient également dans un état déplorable !